- ÉCLECTISME
- ÉCLECTISMEÉCLECTISMETendance qui revient périodiquement dans l’histoire de la philosophie occidentale et qui consiste à choisir, dans des écoles ou des systèmes différents, des opinions, regardées par l’éclectique comme vraies au moins partiellement, pour en constituer un corps de doctrine censé représenter la vérité intégrale et la croyance générale de l’humanité. L’éclectisme suppose donc toujours l’existence d’un critère de choix permettant de reconnaître la vérité donnée dans les différents systèmes; ce critère est la raison universelle, identique dans le temps et dans l’espace, et propriétaire inaliénable de la vérité: la philosophie, dira Victor Cousin, n’est pas à chercher, elle est faite.À partir du \ÉCLECTISME Ier siècle, on trouve des philosophes qui se donnent eux-mêmes le nom d’éclectiques, tel Potamon d’Alexandrie (Diogène Laërce, Prologue des Vies des philosophes ). D’autres, sans prendre ce nom, adoptent la méthode éclectique, tel, selon Cicéron (De inventione ), son maître Antiochus d’Ascalon, philosophe de tradition platonicienne, qui mêle les traits platoniciens, aristotéliciens et stoïciens pour constituer sa propre doctrine, de la même manière que le peintre Zeuxis fondit les traits de cinq jeunes filles de Crotone pour peindre la beauté d’Hélène. Antiochus justifie sa méthode en affirmant qu’il existe une tradition commune qui unit entre elles ces trois écoles. Les recherches les plus récentes en histoire de la philosophie grecque (H.-J. Krämer, Platonismus und hellenistische Philosophie , Berlin, 1971) confirment en partie cette conception: ce sont les discussions au sein de l’académie de Platon qui ont fourni à la fois la problématique commune et les types de solution utilisés par les écoles postérieures. L’effort de systématisation inauguré par Antiochus d’Ascalon s’intensifie dans le néo-platonisme, à partir du IIe et du IIIe siècle, par une utilisation, pour ainsi dire, des «niveaux de vérité» (le stoïcisme saisit le vrai au niveau du monde sensible; l’aristotélisme, le vrai au niveau de l’Intellect divin; le platonisme, le vrai au niveau du Bien transcendant).L’éclectisme se trouve aussi chez les auteurs chrétiens: chez Justin, Clément, Origène et Lactance, par exemple. Pour eux, des vérités partielles se rencontrent disséminées chez les philosophes païens. Le christianisme en tire le système de la vérité totale et parfaite, parce qu’il possède la Raison, incarnée en Jésus-Christ.Dans la suite de l’histoire de la pensée occidentale, le phénomène éclectique se reproduit à certaines époques (Renaissance, XVIIIe s.) et chez certains auteurs (Montaigne, Cudworth, Leibniz). L’éclectisme de Victor Cousin (1792-1867) est un spiritualisme qui reflète le système politique mixte que voulait instaurer la monarchie de Juillet. Il veut être une philosophie supérieure à tous les systèmes, dégageant ce qu’il y a de vrai dans l’ensemble de ceux-ci, qui se trouvent ramenés aux quatre types fondamentaux du matérialisme, de l’idéalisme, du scepticisme et du mysticisme. Le choix du meilleur se fait chez Cousin grâce à l’analyse psychologique, qui permet de dépasser à la fois le matérialisme et l’idéalisme: la Raison est une donnée de la conscience, qui, en s’appliquant à d’autres faits de conscience, permet de fonder l’existence du Moi, du Monde et de Dieu.• 1755; de éclectique1 ♦ Philos. École et méthode philosophique de Potamon d'Alexandrie, recommandant d'emprunter aux divers systèmes les thèses les meilleures quand elles sont conciliables, plutôt que d'édifier un système nouveau. ⇒ syncrétisme. — (1817) Position analogue soutenue par Victor Cousin.2 ♦ Par ext. Disposition d'esprit éclectique. Faire preuve d'éclectisme dans ses lectures, dans ses relations.⊗ CONTR. Sectarisme.éclectismen. m.d1./d PHILO Système composé d'idées ou d'éléments doctrinaux empruntés à des philosophes d'écoles différentes.d2./d Largeur d'esprit permettant d'accueillir toute idée avec compréhension.⇒ÉCLECTISME, subst. masc.A.— PHILOS. Méthode intellectuelle consistant à emprunter à différents systèmes pour retenir ce qui paraît le plus vraisemblable et le plus positif dans chacun, et à fondre en un nouveau système cohérent les éléments ainsi empruntés. Victor Cousin eut la pensée de réunir, à son tour, dans un nouvel éclectisme, tout ce que contenaient de vrai les systèmes que les différents pays et les différents temps ont produit (F. RAVAISSON, Rapport..., § 2, p. 19 ds FOULQ.-ST-JEAN 1962).1. Spécialementa) École philosophique du néoplatonicien Potamon d'Alexandrie au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Les derniers disciples de Platon furent les fondateurs de l'éclectisme (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 80).b) École philosophique de Victor Cousin :• 1. ... ce que je recommande, c'est cet éclectisme éclairé qui, jugeant avec équité et même avec bienveillance toutes les doctrines, leur emprunte ce qu'elles ont de commun et de vrai, néglige ce qu'elles ont d'opposé et de faux.COUSIN, Cours d'hist. de la philos. mod., t. 2, 1847, p. 12.2. Péjoratif :• 2. L'universalité véritable (...) est tout le contraire de l'éclectisme. Elle ne marie pas le oui et le non, le ciel et l'enfer. Elle suppose un oui, mais assez vaste pour emplir le ciel et la terre, — et qui pour l'éternité est exclusif du non.MARITAIN, Primauté du spirituel, 1927, p. 140.B.— P. anal. Attitude, disposition d'esprit portant à choisir sans exclusive parmi des catégories de choses ou de personnes très diverses; qualité d'un ensemble de choses révélant cette disposition. L'éclectisme des relations, des lectures. L'éclectisme des programmes ressortirait plus encore du détail des soirées symphoniques (Annuaire de la radio, 1933, p. 84). Il ne manquait du reste ni de passion, ni de goût, ni d'éclectisme clairvoyant (ARNOUX, Contacts all., 1950, p. 42).Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1798-1932. Étymol. et Hist. 1. 1755 philos. antique « doctrine des éclectiques dans l'Antiquité » (Encyclop.); 2. 1831 le combat que se livrent la spiritualité, l'analyse et je ne sais quel éclectisme railleur (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 253). Dér. du rad. de éclectique; suff. -isme. Fréq. abs. littér. :77.
éclectisme [eklɛktism] n. m.ÉTYM. 1755; de éclectique, et -isme.❖1 (1755). Philos. École et méthode philosophique grecque de Potamon d'Alexandrie, recommandant d'emprunter aux divers systèmes les thèses les meilleures quand elles sont conciliables, plutôt que d'édifier un système nouveau. ⇒ Syncrétisme.♦ (1817). Position analogue (soutenue par Victor Cousin, notamment). || Éclectisme philosophique, médical, politique. || L'éclectisme en esthétique.1 L'éclectisme est une direction de goût qui consiste à réunir les qualités d'écoles différentes pour en former un ensemble harmonieux. C'est aussi, pour la critique, savoir apprécier et louer les qualités particulières et opposées de ces écoles.A. Thiers, in Grande encyclopédie Berthelot, art. Éclectisme.1.1 (…) ce que je recommande, c'est cet éclectisme éclairé qui, jugeant avec équité et même avec bienveillance toutes les doctrines, leur emprunte ce qu'elles ont de commun et de vrai, néglige ce qu'elles ont d'opposé et de faux.Victor Cousin, Cours d'histoire de la philosophie moderne, t. II, p. 12, in T. L. F. (1847).2 (1831). Disposition d'esprit éclectique. || Faire preuve d'éclectisme dans ses lectures, dans ses relations. || L'éclectisme des lectures. || Se cultiver avec éclectisme.2 (…) nous avons de tous les siècles, hors du nôtre, chose qui n'a jamais été vue à une autre époque : l'éclectisme est notre goût; nous prenons tout ce que nous trouvons, ceci pour sa beauté, cela pour sa commodité, telle autre chose pour son antiquité, telle autre pour sa laideur même (…)A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, I, IV, p. 39.❖CONTR. Sectarisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.